Page:Eliot - Silas Marner.djvu/63

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Éclair à Dunstan plutôt que de décevoir ce désir, même s’il n’avait pas été détourné, par une autre raison, de prendre part à la chasse du lendemain. Cette raison tenait à cette circonstance que le rendez-vous devait avoir lieu près de Batherley, bourg où demeurait sa malheureuse épouse, dont l’image lui devenait de jour en jour plus odieuse. Dans la pensée de Godfrey, cette femme hantait tous les environs. Le joug qu’un homme se crée par ses mauvaises actions, engendre la haine dans la meilleure nature, et le gai et affectueux Godfrey Cass s’aigrissait rapidement. De cruels désirs l’éprouvaient, semblant entrer, sortir et rentrer dans son cœur, comme des démons qui y avaient trouvé une demeure toute préparée[1].

Qu’allait-il faire ce soir-là pour passer le temps ? Après tout, pourquoi n’irait-il pas à l’auberge de l’Arc-en-Ciel, écouter ce qu’on dirait au sujet du combat de coqs ? Tout le monde y était, et de quelle autre chose s’occuper, bien que, pour son propre compte, il ne se souciât pas du tout de cet amusement ? Flaireuse, l’épagneule brune, qui s’était placée en face de lui et l’avait fixé pendant quelque temps, s’impatienta et sauta alors sur les genoux de son maître pour recevoir la caresse habituelle. Mais Godfrey la repoussa sans la regarder, et quitta la pièce. Elle le suivit humblement et sans rancune, peut-être parce qu’elle n’avait pas d’autre chose en perspective.

  1. Allusion biblique : Saint Luc, VIII, 27 et versets suivants. (N. du Tr.)