Page:Eliot - Silas Marner.djvu/74

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une telle soirée, laissant son souper dans cet état de cuisson incomplète, et n’ayant pas barré sa porte ? La difficulté que Dunstan lui-même venait d’avoir de trouver son chemin, lui suggéra l’idée que le tisserand était peut-être sorti pour aller chercher du combustible, ou faire quelque autre besogne analogue et de courte durée, et qu’il était glissé dans la carrière. C’était là une idée qui intéressait Dunstan et impliquait des conséquences tout à fait nouvelles. Si le tisserand était mort, qui avait droit à son argent ? Qui saurait où son argent était caché ? Qui saurait que quelqu’un était venu l’enlever ? Il ne pénétra pas davantage dans les subtilités des preuves ; la question pressante : « Où est l’argent ? » s’empara alors tellement de son esprit, qu’elle lui fit oublier entièrement que la mort de Marner n’était pas une certitude. Un esprit lourd, en est-il arrivé à une conclusion qui flatte son désir, ne peut guère conserver le sentiment que l’idée d’où il a tiré cette conclusion était purement problématique. Et l’esprit de Dunstan était aussi lourd que celui d’un futur criminel l’est généralement. Il n’y avait que trois cachettes dans lesquelles il eût jamais entendu dire qu’on trouvât les trésors des paysans : le toit de chaume, le lit et un trou dans le sol. La demeure de Marner n’était pas couverte en chaume. Le premier acte de Dunstan, après une succession de pensées accélérées par l’aiguillon de la cupidité, fut d’aller vers le lit ; mais, tout en y allant, ses regards passèrent avidement sur le sol, dont les