Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/102

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Elles seront brillantes. » Aussi, bien que son imagination soit excitée au plus haut point par le spectacle de l’étrange monde oriental, il en sourit comme d une féerie absurde et chatoyante et ne se laisse pas ébranler dans ses convictions. La dévotion ascétique, l’inaction surhumaine, ne le touchent aucunement ; le roi Satyavrata auquel on enlève sa fille et qui passe son temps à « se mouiller le nez et les oreilles en l’honneur de Héry, le conservateur de l’univers », lui paraît plutôt amusant que sublime. Mais voici quelque chose de plus sérieux : les conceptions panthéistiques[1], dont il ne pouvait plus s’étonner ni se moquer. À la fin même, quand tous les personnages de l’histoire sont morts, le bon génie trouve cette consolation : « rien ne meurt, car Brahma contient tout, et Brahma est vivant. » C’est déjà la grande préoccupation de la mortalité et de la vanité des choses, à laquelle le panthéisme apporte une des solutions possibles. Il y a cependant un passage encore plus curieux, et qu’il faut citer comme la première apparition chez Leconte de Lisle de la doctrine définitive, de la grande sagesse : « La piété confond la pensée et le cœur dans l’abîme de ce qui est, un et par soi-même. — La piété plonge les justes dans l’essence une et première. —

  1. « Le grand corps de Brahma, aux mille formes, aux mille couleurs, les montagnes, les vallées et le large océan. »