Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/101

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Gange lui sont toujours inconnues. Le type de l’ascétisme pour lui, ce sont encore les anachorètes chrétiens[1], et sur l’Inde peut-être n’a-t-il lu qu’un de ces articles qui, en ces années-là, donnaient en dix pages un aperçu de toute la littérature sanscrite.

Mais tout à coup, trois mois avant la révolution de février, l’Inde fait son entrée triomphale avec la dernière des nouvelles qu’il donne à la Démocratie pacifique, la Princesse Yaso’da[2]. Entrée dans l’imagination du poète plutôt que dans sa pensée ; l’idée dominante est une idée visiblement sociale, optimiste : « Cet épisode, dit Leconte de Lisle, symbolise sous la forme flottante des poésies sanscrites la défaite momentanée du Bien par le Mal, et son triomphe à venir » ; idée peu hindoue s’il en fut, et qui est au contraire l’expression de son propre état d’esprit, la reprise exacte de sa poésie des Épis[3]. Le récit (qui, en soi, n’a rien de religieux ni de philosophique, et dont je me dispense de faire l’analyse) se termine par la lutte d’un démon et d’un bon génie où le démon est vaincu ; et le bon génie s’écrie en guise de conclusion : « Les destinées sont noires.

  1. Les Ascètes de 1846 ont paru deux mois après le Voile d’Isis.
  2. Telle est l’orthographe de ce nom chez Leconte de Lisle, toute fantaisiste d’ailleurs.
  3. Pour une analyse sommaire des Épis, voy. Leblond, op. cit., pp. 175 et 176.