Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/106

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buer une certaine connaissance du buddhisme dès les premières années de ses études hindoues. Si nous nous demandons d’où elle lui venait, nous n’avons pas de choix : ce ne peut être que de l’Introduction à l’histoire du buddhisme indien de Burnouf, parue en 1845, et qui avait eu en France la valeur d’une révélation[1]. Leconte de Lisle penchera-t-il plus du côté du buddhisme ou du brahmanisme ? ce sera encore une question à se poser ; au total cependant, ce sont les idées communes à l’un et à l’autre qui l’intéressent, et ce qu’il faut noter avant tout, c’est que l’un et l’autre lui donnaient ce qu’il demandait, une philosophie morale et métaphysique adaptée à son pessimisme.

La vision du monde qu’il s’est formée, c’est bien celle du Bhâgavata-Purâna, qui trace des tableaux terribles de la vie, de la vanité de toute action, des souffrances qu’elle entraîne nécessairement : l’homme, perdu dans la « forêt de l’existence »[2], y est livré au désir et à l’action comme à des bêtes de proie ; et les buddhistes répètent en renchérissant : « C’est certainement un mal que l’existence de ce monde,

  1. Calmettes, op. cit., p. 20, la mentionne expressément à côté du Bhâgavata. Dans les Poèmes, on ne retrouve pas d’imitation ni de réminiscence des textes qui y sont cités, sans doute à cause de leur caractère peu artistique.
  2. Cette allégorie de la forêt est développée dans les chapitres XIII et XIV du livre V.