Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/105

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qu’il y devient sensible, si sensible cette fois qu’il en tirera toute sa philosophie.

La source où il puise est connue : c’est le Bhâgavata-Purâna[1] ; son poème de Bhagavat, écrit vers 1851, n’est qu’une sorte de condensation de cet énorme ouvrage. Les trois ascètes du poème ne sont pas des buddhistes, comme on le répète à tort, mais, comme le déclare la préface des Poèmes antiques, des viçnuïtes : le Bhâgavata, en effet, est un livre viçnuïte. Seulement, Leconte de Lisle ajoute qu’il a « insisté sur le lien étroit qui les rattache aux dogmes buddhistes »[2], phrase qui permet de lui attri-

  1. Le Bhâgavata-Purâna de Burnouf, édition du texte sanscrit et traduction française, a paru en 3 volumes in-4o en 1840, 1844 et 1847. Chaque volume contient trois livres. — Je ne cite que ce poème, et non pas le Ramayana, auquel Leconte de Lisle a emprunté Çunacépa et l’Arc de Siva, parce que les premiers volumes de la traduction Fauche du Ramayana n’ont paru qu’en 1854, et qu’en ce moment Leconte de Lisle était depuis plusieurs années familiarisé avec la philosophie hindoue ; la lecture de l’épopée n’avait plus rien à lui apprendre. Quant au Mahabharata, dont un passage semble avoir inspiré la Mort de Valmiki, il a été traduit plus tard encore.
  2. Il ne faut pas oublier que la secte viçnuïte et tout particulièrement le Purâna dont nous parlons sont postérieurs au buddhisme, et qu’on peut fort bien supposer des influences historiques. Leconte de Lisle a pu voir le terme, connu comme buddhiste, de Nirvâna repris dans le Bhâgavata, associé à un terme purement brahmanique, comme dans cette phrase : « Cet Être qui, supprimant Màyâ, source de toutes les distinctions, goûte le bonheur du Nirvâna » [livre VI, chap. IV, stance 28 ; voy. aussi IX, VII, 25].