Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/115

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Au contraire, plus on y regarde de près, plus on voit avec quel acharnement le poète s’attachait à l’idée de l’Illusion. Il y a, en effet, plusieurs façons de la concevoir : soit qu’on admette que le monde est notre illusion à nous, soit que, conformément à la doctrine brahmanique, on considère toutes choses, y compris nous-mêmes, comme des apparences sous lesquelles il y a un Être réel et unique, soit qu’on adhère au nihilisme pur, à la manière buddhique, et qu’on dise : « il n’existe absolument rien». Voyons ce qui en est de Leconte de Lisle. Quelques textes le feraient supposer arrêté à la première de ces conceptions : le monde y apparaît comme la création du sujet pensant et sentant, qualifié de cœur ou d’esprit ; c’est ainsi que dans l’Illusion suprême le poêle s’écrie :


Et vous, joyeux soleils des naïves années.
Vous, éclatantes nuits de l’infini béant,
Qui versiez votre gloire aux mers illuminées,
L’esprit qui vous songea vous entraîne au néant.


Et dans la Paix des Dieux :


ce cœur qui s’ignore,
Chaud de mille désirs, glacé par mille hivers,
Où dans l’ombre éternelle et l’éternelle aurore
Fermente, éclate et meurt l’illusoire univers.


Mais non ; il ne s’arrête pas là. Dans la Maya,