Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/117

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les doctrines hindoues il semble bien que c’est la plus radicale, celle du nihilisme buddhique, que Leconte de Lisle adopte. Le brahmanisme, en effet, admet un Être unique sous les apparences, et la Mâyâ est l’illusion de cet Être : c’est un panthéisme idéaliste. On sait au contraire que le buddhisme nie l’existence d’un tel Être. Or, quand Leconte de Lisle parle, en son propre nom, de la Mâyâ, on s’aperçoit qu’il entend sous ce mot moins l’illusion brahmanique que l’Avidyâ des buddhistes, qui exprime le pur néant.

Ses poèmes hindous, il est vrai, ne sont pas buddhiques[1], mais puisés à des sources brahmaniques plus ou moins orthodoxes, et par conséquent aussi ils sont panthéistes : Leconte de Lisle, voulant donner une idée de l’abondance et de la richesse de

    faire au sérieux de sa philosophie idéaliste l’objection suivante : dans plusieurs pièces, comme la Forêt vierge ou la Dernière Vision, le monde est représenté existant avant et après l’homme, c’est-à-dire ayant une existence indépendante. Mais si le monde est le rêve, non pas de l’homme, mais de Dieu, comme dans la Vision de Brahma, l’objection tombe, et de même dans l’hypothèse du nihilisme pur.

  1. Les lecteurs ont tort quand, à propos de ces poèmes, ils parlent aussitôt de buddhisme, et même à propos de ce terme de Mâyâ qui est essentiellement brahmanique ; le terme buddhistequi y correspond en quelque mesure, c’est celui d’Avtdyâ, qui désigne la première des douze causes. Les deux doctrines sont toujours restées hostiles ; dans le Bhâgavata les « sectatateurs de la doctrine du néant » sont « voués à l’Enfer » [III, IX, 4].