Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/128

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misme ont fait leur apparition : et tout de suite paraît aussi la conséquence. Si Dieu n’est pas à trouver sur la voie qu’o na choisie, s’il faut désespérer pour tou jours et reconnaître que soi-même on s’est trompé, par quelle raison maudirait-on les religions ? Bien plus, le poète regrette ses croyances anciennes. « Aucun dogme, se dit-il, ne contient toute la vérité, mais du moins l’exprime-t-il en partie ; tandis que pour moi, les questions qui m’angoissent restent sans réponse ou si elles en laissent entrevoir une, elle est telle qu’on ne peut la regarder en face. » Le sentiment religieux, languissant dans l’espoir, jaillit comme une flammeau contact de l’idée pessimiste :


Des cultes de ce monde apostat éternel,
Du désir infini martyr héréditaire,
Malheur ! j’ai déchiré du livre paternel
La page où flamboyait le divin commentaire[1].


On a remarqué que le premier vers de cette strophe ne s’applique pas à Leconte de Lisle personnellement, mais à l’homme. Car c’est précisément dans la Recherche de Dieu qu’apparaît cette faculté si dis-

  1. Cf Dies iræ :
    Au livre originel qui lira désormais ?
    L’homme a perdu le sens des paroles de vie ;
    L’esprit se tait, la lettre est morte pour jamais.