Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/133

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J’ai remué, Seigneur, les poussières du monde ;
J’ai reverdi pour vous ce que le temps émonde,
Les rameaux desséchés du tronc religieux ;
Des cultes abolis j’ai repeuplé les cieux !
Rien ne m’a répondu, ni l’esprit ni la lettre,
Et je vous ai cherché, vous qui dispensez l’être !


En réalité, il n’a encore « repeuplé » aucun ciel et n’a « cherché » que dans le christianisme : et cependant ces vers sont d’une justesse extraordinaire, non pour ce qui a été, mais pour ce qui sera : ils contiennent tout le programme de sa poésie. C’est sa revue des religions qui commence, et qui sera la Recherche de Dieu énormément élargie, épanouie. Dans cette revue, ce qu’il cherchera, ce ne seront plus que des émotions religieuses ; mais le premier élan a été donné par la poursuite du vrai ; et le critique n’avait pas tort, malgré toutes les apparences, qui à propos de la poésie religieuse historique de Leconte de Lisle citait, comme une sorte d’explication, les vers d’Angira sur le « doute infini » qui le tourmente[1], car tel est bien le point de départ. Seulement, le souvenir de cette première impulsion se perd ; le pessimisme définitif vient, et dans Dies Iræ le retour vers les religions n’est plus qu’un

  1. Brunetière. Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, p. 176.