Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/140

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Le chef-d’œuvre né de cet état d’esprit, c’est Hypatie encore ; et voici comment. Qu’est-ce que ce poème en son sens immédiatement apparent ? Un hymne au paganisme remplacé par le christianisme. Le paganisme est donc glorifié ; mais quand il est parlé de « jeune soleil » de « terres promises », de « plus hauts destins » enfin (« destin meilleur » dans le texte définitif), c’est du christianisme qu’il s’agit, dont le respect est ainsi soigneusement sauvegardé. Mais un autre sens, plus intime, nous est révélé par la strophe suivante qui était la cinquième dans le texte primitif ; après avoir montré les fidèles des cultes qui s’en vont, le poète ajoutait :


N’outrageons point ceux-ci qu’un tel amour parfume,
Derniers consolateurs des suprêmes moments !
Sur quelque autel détruit que leur pur encens fume,
Il est beau de sourire à ces nobles amants.


Cette strophe est à la fois plus personnelle que le reste[1] et d’une portée plus générale : c’est Leconte de Lisle lui-même qui intervient, et c’est à lui même qu’il songe, socialiste et novateur en face du christianisme finissant : plus généreux que dans l’Architecture, il accorde à ses défenseurs une bonne

  1. C’est pour cela qu’il l’aura entièrement supprimée en 1852, quand il a voulu donner à son recueil un caractère d’irnpersonnalité parfaite.