Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/146

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consacrer à la Passion tout un poème, œuvre «impersonnelle » sans doute, comme ont eu soin de le rappeler les éditeurs des Derniers Poèmes, où il se met à la place du catholique comme dans la Prière védique pour les morts à la place des adorateurs d’Agni ; mais où, sous beaucoup de rhétorique, perce par endroits un sentiment sincère pour Jésus ; quelques vers ne manquent pas de beauté, comme ceux du début de la douzième station[1] :


Tourné vers l’Occident et la Ville éternelle,
Jésus semble appeler l’humanité nouvelle,
Et, par delà les temps que Dieu garde en leur cours,
Saluer en mourant l’aurore des grands jours…


Mais quand, dans cette même Passion, où le sujet l’autorisait pourtant à se limiter aux seules louanges du Christ, il y joint celles de l’Église, c’est là l’effet de l’iaipersonnalité pure, à moins d’être la marque d’une très grande indulgence née de la lassitude du pessimiste. Concession toute momentanée, dont l’excès entraîna la réaction : Leconte de Lisle supprima la Passion des éditions de ses œuvres, et elle ne reparut que dans son recueil posthume.

    qui n’a pas le mérite de la perfection artistique, mais qui est précieuse comme le seul passage sympathique au milieu de l’ironie méchante déversée sur l’Église et la Doctrine.

  1. Derniers poèmes, p. 201.