Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/147

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Car, en réalité, l’Église n’a rien de commun avec le Christ ; plus généralement, on pourrait presque dire que le christianisme n’est pas la religion du Christ. C’est un point sur lequel Leconte de Lisle n’a jamais varié. L’opinion qu’il professait tout jeune homme n’est pas démentie, en ce qui concerne l’Église au moins, pendant les années de Rennes ; à Bourbon, en 1844, il parlera encore de « mission déviée »[1] ; à l’époque fouriériste, il ne pourra que renchérir, car c’était dans l’École un lieu commun d’opposer le Christ aux « pharisiens » de son culte qui ne savent tirer de l’Evangile que la condamnation de toute tentative d’amélioration sociale[2] ; le poème enfin où l’idée est exposée avec le plus d’ampleur date de 1890, quatre ans avant la mort du poète[3]. L’Histoire du Christianisme commence « l’an 33 de la naissance de Jésus-Christ, après l’Ascension… »[4]. La pensée du fondateur est tombée dans des âmes de barbares qu’elle n’est pas parvenue à changer ; elle a seulement donné un autre cours à leur férocité[5]. Des hommes faits pour s’entre-tuer sur les

  1. Leblond, p. 163.
  2. Bourgin, p. 440, n. 5.
  3. Les Raisons du Saint-Père.
  4. Tels sont exactement les premiers mots de la brochure intitulée : Histoire populaire du Christianisme.
  5. Massacre de Mona [Poèmes barbares, p. 129] :

    (Murdoc’h) prêche par le fer, en son aveuglement,
    La loi du jeune Dieu qui fut doux et clément.