Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/174

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que l’idéal était une terre promise lointaine ; mais Hypatie a bien su ce qu’elle faisait quand elle a refusé de les suivre :


Que t’importait, ô vierge, un semblable délire ?
Ne possédais-tu pas cet idéal cherché[1] ?


L’idéal étant au sein de la vie, que faut-il pour l’atteindre ? rien d’autre que de vivre, de donner essor à ses puissances vitales, de penser, de se passionner ; chaque pensée et chaque passion révèle le monde divin. « Aussi l’antiquité, libre de penser et de se passionner, a réalisé et possédé l’idéal que le monde chrétien, soumis à une loi religieuse qui le réduisait à la rêverie, n’a fait que pressentir vaguement »[2]. Cette brève indication que les premiers lecteurs devaient trouver aussi obscure qu’étrange est au contraire, pour qui a sous les yeux l’œuvre entière de Leconte de Lisle, et celle de Ménard qui en est le commentaire perpétuel, la formule claire et nécessaire à laquelle aboulil sa pensée.

Cette pénétration par l’idéal est la source même du beau et du bien. Car il s’en faut de beaucoup que Leconte de Lisle, comme tant de contemporains, s’en soit tenu au caractère facile et voluptueux du paganisme. Il y a une strophe de Dies Iræ qui résume

  1. Hypatie.
  2. Préface des Poèmes et Poésies.