Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/175

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pour ainsi dire le bonheur du païen primilif ; après l’immortalité[1] et la présence des Dieux, qui sont les conditions mêmes de la vie, il énumère ce qui fait la valeur de cette vie : la beauté, la force, et la pureté irréprochable :


Bienheureux ! Il croyait la terre impérissable,
Il entendait parler au prochain firmament,
Il n’avait point taché sa robe irréprochable ;
Dans la beauté du monde il vivait fortement.


Le paganisme a sa morale parfaitement suffisante ; disons mieux ; il est en possession de la seule morale vraie. Aucun besoin, pour la tirer de ses données essentielles, d’y glisser subrepticement quelque idée moderne ou philosophique, elle est dans le principe même du polythéisme. La présence du divin idéalise et harmonise les forces vitales dont l’essor, sans elle,

  1. Il faut faire remarquer à ce propos l’insistance qu’il met à rappeler l’espérance de l’immortalité chez les païens dans le Massacre de Mona ; voyez le dernier vers du chant du barde, et les traits nombreux du morceau final, qui est le massacre. Mais le plus intéressant est le passage suivant (p. 120) :

    Et, d’un essor égal, dans le cercle éternel,
    Les âmes, délaissant la ruche trop féconde,
    Aux fleurs de l’infini puisaient un nouveau miel.

    C’est-à-dire qu’elles quittaient le bonheur de la terre, pour le bonheur de l’infini, pour revenir ensuite sur la terre, et ainsi de suite (Cercle éternel). Il est curieux que ce soit exactement l’idée de Fourier.