Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/77

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paradoxale à quelques-uns de ses lecteurs d’autrefois, mais qui, maintenant que nous connaissons les sentiments de sa jeunesse, ne surprendra plus personne : peu d’hommes ont aime la vie comme a fait Leconte de Lisle. Il y est si attaché qu’il ne concevra pas même qu’on puisse se proposer une autre fin dernière que le développement de la vie et des forces vitales ; ce développement est pour lui si bien le postulat essentiel que toute sa morale en dérive. Ici encore, c’est grâce au fouriérisme, à ce qu’il semble, que les aspirations du poète prennent corps et s’affirment comme doctrine. On connaît la théorie de Fourier : « Le bonheur, sur lequel on a tant raisonné ou plutôt déraisonné, consiste à avoir beaucoup de passions et beaucoup de moyens de les satisfaire » ; « le bonheur est l’essor intégral et continu des passions »[1]. Voilà la base de la morale ; tout ce qui limite l’expansion de la vie et des passions, les austérités, les privations volontaires, l’ascétisme, est rejeté avec horreur. L’idéal de Leconte de Lisle restera toujours cette vie pleine, développée en tout sens fortement et harmonieusement, riche de « passions vigoureuses et profondes »[2]. On en trouve l’expression poétique dans l’Anathème, dans Dies Iræ surtout.

  1. Théorie des quatre mouvements, p. 137. — Théorie de l’unité universelle, t. III, p. 196. (Bourgin, p. 202.)
  2. Aux modernes [Poèmes barbares, p. 356]. Et le Catéchisme républicain.