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puis-je renvoyer aux poèmes tels que Dies Iræ, l’Anathème, la Paix des Dieux, qui, pour moi-même, ont été les arguments convaincants, et qui seront naturellement cités à leur place. Qu’il me suffise, dans cette introduction, de rappeler l’opinion d’un des critiques les plus autorisés. « Leconte de Lisle, dit M. Bourget, récrée en lui les états des sens et du cœur qui nécessitèrent ces éclosions de la foi religieuse. Ne dites pas que c’est là un simple archaïsme, car il se dégage, de ces dévotions d’autrefois, une réponse à certaines exigences de l’être intime qui persistent en nous, dans cette créature à plusieurs personnalités que nous a façonnée l’héritage des siècles[1]. » Et, dans une série d’exemples, l’auteur montre en effet comment chacune des reconstitutions religieuses de Leconte de Lisle correspond à un sentiment qui subsiste en lui.

Plusieurs critiques encore ont constaté cet intérêt de sentiment que le poète porte aux religions ; ce que j’en dis ici n’est assurément pas chose nouvelle. Mais après la constatation doit venir l’explication, et c’est cette explication qui n’a été tentée que rarement et, à vrai dire, un peu négligemment, de sorte que la question peut être considérée comme ouverte. Rappelons, aussi brièvement que possible, les deux principales d’entre ces interprétations.

  1. Bourget. Essais de psychologie contemporaine, t. II.