Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/150

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tres[1] : Leconte de Lisle à son tour ne voit dans l’Église, comme institution sociale, qu’une machine de compression, et ne se gêne pas pour dire qu’en qualité de puissance inique, oppressive et accablante, la Rome catholique n’a pas renié les traditions de la Rome impériale[2] ; ailleurs, il la qualifie de « sœur de Gomorrhe »[3].

Cette haine eut des conséquences graves. On a beau distinguer anticléricalisme et antichristianisme : il est difficile, une fois la personne même du Christ mise hors de cause, de s’arrêter exactement au point où la haine de l’institution sociale devient la haine de la religion. Une philosophie qui, tout en sauvegardant le sentiment religieux dans sa plénitude, autorisait l’exclusion du christianisme, devait donc avoir de quoi tenter Leconte de Lisle : cette philosophie de polythéiste et de païen, c’est, cette fois, un contemporain, un ami, qui l’aide à l’élaborer : Louis Ménard. Il semble bien qu’ils l’aient élaborée ensemble, en réagissant lun sur l’autre ; toujours est-il que c’est Ménard qui en a été le théoricien.

  1. Bourgin, p. 171.
  2. Les Ascètes de 1846.

    Ô louve, ô vieille Rome, ô fatale cité,
    Reine ceinte d’opprobre et d’impudicité,
    Qui, par deux fois déjà, du fiel que tu respires,
    Dans leur sève as séché les terrestres empires !
    O mer d’iniquité qui, depuis deux mille ans,
    Opprimes notre sol de tes flots accablants,
    Rien ne balaira donc tes fangeuses écumes ?

  3. La Recherche de Dieu.