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due la réponse à notre question. L’étude des lettres et des poésies de jeunesse apporte en effet la preuve convaincante que si Leconte de Lisle s’intéresse tant aux religions, c’est qu’il éprouve lui-même aussi fortement que qui que ce soit, les sentiments, les aspirations, les besoins qui font dire d’un homme : il a le sentiment religieux. Ce sont ces aspirations et ces besoins qui, après s’être satisfaits quelque temps dans le spiritualisme chrétien, deviennent, une fois le spiritualisme abandonné, la force vivante qui pousse le poète vers les cultes du passé. La longue revue des théogonies est le rêve poétitique d’un ancien croyant désabusé et attristé.

Il me reste à attirer l’attention sur deux autres questions fort importantes auxquelles cette étude fournit une réponse. La première est celle des origines de l’antichristianisme de Leconte de Lisle ; elle se posait d’une façon singulièrement pressante du moment que le poète était convaincu d’être un ancien croyant et de porter aux religions un intérêt né d’une sympathie intime et profonde : aimer les religions et haïr à ce point le christianisme, n’est-ce pas une sorte de contradiction ? Tout à la racine peuvent se trouver des raisons politiques et sociales, mais elles n’expliquent pas tout. La préoccupation de cette anomalie a dominé une partie de mes recherches ; les deux chapitres parallèles VII et IX en rendent compte.