Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/202

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décadence des peuples. Son cri de triomphe est un cri de mort :


Tout l’univers, aveugle et stupide à la fois,
Roule comme un cadavre aux steppes de l’espace.
J’ai pris l’âme du monde et sa force et sa grâce…


Le paganisme était la religion des heureux ; le christianisme est la religion de ceux qui ne croient plus à la vie. À ceux qui ne peuvent plus jouir et qui souffrent doublement de ne pouvoir se détacher des biens qu’ils ont aimés, il apporte le don que Leconte de Lisle lui-même, après la destruction de ses croyances, a reçu des philosophes de l’Inde,


Le mépris de la vie et de la volupté.


Avec lui, le fond des choses, l’« abîme de la nuit », est déjà entrevu, et le pessimisme est apparu à l’homme.


Tout désir est menteur, toute joie éphémère,
Toute liqueur au fond de la coupe est amère (i),


c’est à un chrétien que le poète fait prononcer ces vers désespérés : il aurait pu tout aussi bien les prendre à son propre compte. Le pessimiste et le chré-