Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/228

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ou le Lévrier de Magnus[1]. Car l’antichristianisme, en tant que tel, peut s’élever aussi haut qu’il descend bas dans ces malheureux Poèmes tragiques : c’est ce qui a lieu dans Qaïn. Seulement, comme l’indique son titre, ce poème met en cause aussi l’Ancien Testament : il y a donc lieu de dire auparavant quelques mots du judaïsme chez Leconte de Lisle.

Ce dogmed’un Dieu despotique que le christianisme met à la place des anciennes mylhologies, c’est à l’Ancien Testament qu’il l’emprunte. Aussi la première peinture en grand du despotisme divin est-elle faite dans la Vigne de Naboth, un poème biblique. Elle trahit bien moins l’indignation contre une conception si contraire à l’idéal du poète que l’ivresse de l’artiste qui découvre un monde poétique nouveau et qui s’y plonge avec une sorte de frénésie. Ce Dieu de Juda est un maître dur et un vengeur implacable, mais tout ce qu’il y a dans cette donnée de sublime et de grandiose, Leconte de Lisle l’a senti et le rend ; c’est le plus beau triomphe de la

  1. Dans Hiéronymus, le caractère de l’abbé n’est pas sans beauté ; le poète vise à attendrir par la peinture de son humilité et de son abnégation. Dans le Lévrier, l’impiété et le crime sont associés, Magnus est un apostat ; d’autre part, la terreur de l’enfer n’est pas exploitée contre le christianisme comme dans la Bête écarlate par exemple, puisque si Magnus est damné, ce n’est qu’après avoir refusé le pardon offert à la condition de se repentir. Voyez aussi la description du couvent, p. 128 et suiv. et la figure de l’abbesse Alix.