Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/237

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de l’arsenal classique de plaisanteries sur l’Ancien Testament.

Au total cependant, Phalya-Mani est une petite chose sans conséquence ; et si l’on voulait en conclure quoi que ce soit contre le sérieux du sentiment hindou chez Leconte de Lisle, on serait, pour parler familièrement, bien attrapé, et il y a une circonstance particulière qui le prouve. Au début et à la fin du récit, pour l’encadrer dans une sorte de résumé de la pensée philosophique hindoue, l’auteur a écrit au courant de la plume cette double invocation :

« Ô Mâyâ, qu’es-tu sinon le torrent des mobiles chimères ? Tu fais jaillir incessamment du cœur de l’homme la joie, la douleur, l’amour et la haine, la lumière et les ténèbres, la substance et la vision des choses mouvantes. Et le cœur de l’homme, ô Mâyâ, qu’est-il, sinon toi qui n’es rien ?… Ô Mâyâ, l’antique silence absorbe en un moment éternel les siècles écoulés, les minutes présentes et les heures futures. La vie inépuisable est faite du tourbillon sans fin de nos rêves. »

Le lecteur a reconnu dans cette prose la pièce de la Maya, cette grande exclamation qui termine les Poèmes tragiques : elle n’est que la transformation poétique de ces deux fragments. On ne saurait supposer que le poète ait d’abord fait la pièce de vers et qu’il l’ait ensuite affaiblie et mise à une place où elle prenait un caractère de parodie ; il faut donc croire