Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/45

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douce par excellence. « Votre éducation religieuse a développé en vous des pensées douces comme elle », a-t-il dit à Rouffet pour lui faire sentir pourquoi il l’aimait, lui et ses dons poétiques[1]. Et depuis, les idées de douceur et de religion iront toujours ensemble, depuis l’éloge d’un jeune ami (Houein) qui est « un charmant garçon, doux, religieux et instruit »[2]), jusqu’à l’éloge de Lamartine, le poète de son cœur, « ce doux et religieux génie »[3]. C’est pourquoi, toutes les fois qu’il parlera de religion, non seulement dans ses poésies de jeunesse, mais dans Dies iræ encore et jusque dans les Poèmes barbares, Leconte de Lisle se servira de ce terme d’amour, mot très vague exprimant tous les sentiments doux et tendres de l’âme. Mais c’est ici, dans les premières poésies, que le sens religieux du mot apparaît en sa pureté. « Oui, mon Ami, il faut aimer parce que l’amour c’est la poésie et que, sans elle, la vie n’est plus la vie », écrit-il à Rouffet[4], et tout aussitôt il s’explique : ce n’est pas l’amour d’une réalité, l’amour « positif » qu’il lui faut ; celui qu’il rêve est autre : « chantant ses créations plus belles parce qu’il les a rêvées,… infini comme l’idéalité

  1. Premières poésies et lettres intimes, p. 16.
  2. Ibid., p. 96.
  3. Esquisse sur Chénier.
  4. Premières poésies et lettres intimes, p. 44.