Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/48

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au monde des Poèmes barbares, ce champ de carnage, terre lugubre sous des cieux muets ; ici, l’on dirait que les barrières de l’horizon se sont abaissées, laissant de toutes parts la vue libre sur l’infini ; la lumière est partout ; il serait impossible de compter tous les chérubins, séraphins et clartés célestes dont ces vers sont pleins[1]. La divinité rayonne à travers le monde, le souffle divin va porter le ravissent ut dans les âmes : toutes les tristesses d’une vie que Leconte de Lisle ne trouve pas très heureuse s’effacent et s’oublient dans le sentiment de cette présence.

Ainsi, la religion lui donne le bonheur par l’amour infini et mystique. Mais ce que nous voulons infini

    il ne manque pas d’ajouter « que m’accordait le Ciel ». — Rouffet l’ayant soupçonné d’avoir embelli une jeune femme par une description trop poétique, il proteste : « l’artiste, ici, c’est Dieu » (p. 22). On a vu plus haut des citations d’autres pièces où il célèbre la femme. L’art en particulier est mis en relation directe avec Dieu [Trois harmonies en une, poème spiritualiste, p. 139]. — La Gloire et le Siècle, poésie sur la fausse gloire des contemporains, fournit quelques-unes des expressions les plus remarquables de ses croyances religieuses.

  1. Il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir le recueil des Premières poésies à la page qu’on voudra ; mais la pièce typique est celle qui a pour titre : Hallucinations, p. 86. — C’est par ce caractère de rêverie mystique, angélique et amoureuse que sa religion prend une certaine teinte catholique. Comme dans ce vers sur saint Jean :

                                                      ainsi ta poésie,
    Parmi les fleurs du ciel, rose de Dieu choisie…