Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/62

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Comme à Rennes donc, c’est de Dieu que vient le bonheur. Mais la survie, la survie qui seule met au bonheur le sceau définitif, que devient-elle dans cette doctrine ? C’est ici qu’il faut voir avec quelle ardeur, on peut presque dire avec quelle rage, il s’attache à retenir sa foi qu’il sent vaguement menacée. « Il ne faut pas douter, mon ami. Il faut laisser aux niais et aux lâches leurs stupides négations du cœur immortel et de l’intelligence divine de l’homme[1]. » Aussi n’a-t-il garde d’oublier que si l’homme est une manifestation de Dieu, il est une manifestation éternelle. Spinoza a dit : « Il est possible qu’il ne périsse de l’âme qu’une partie infime »[2], et, fort de cette doctrine, Leconte de Lisle s’écrie : « L’homme… ne s’éteindra jamais, pas même sous l’haleine de ce qu’on nomme la mort et qui n’est que le réveil[3]. » Mais l’éternité n’est que partielle ; quelque chose de l’homme doit périr : qu’est-ce donc qui sera éternel, et qu’est-ce qui sera sacrifié ? Ici

    pareille idée est contraire non seulement à la philosophie de Spinoza [Éthique, IV, 45, scholie], mais à tout panthéisme : n’est-ce pas Dieu qui souffre en nous ? Voy. la Vision de Brahma.

  1. Leblond, p. 152.
  2. Éthique, V, 38, corollaire : « Mentem humanam posse eius naturæ esse ut id, quod eius cum Corpore perire ostendimus, in respectu ad id, quod ipsius remanet, millius sit momenti ».
  3. Leblond, p. 153.