Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/79

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ces spiritualistes. Ces croyances satisfaisaient ses deux besoins les plus profonds, celui de cet amour religieux dont il parlait à Rennes et celui de l’immortalité : qu’allait-il devenir sans elles ?

Dies iræ montre assez quel fut son désespoir devant la perte irrémédiable de l’amour. À l’homme qui n’a plus de religion il ne reste plus que le désir d’aimer, une inépuisable réserve de sentiment qui se consume intérieurement sans Irouver d’objet. Chez l’homme d’autrefois, l’amour était possible parce que la foi était là ; l’homme irréligieux d’aujourd’hui ne peut même l’espérer. Voici le parallèle que fait Dies iræ entre l’homme primitif et le moderne :


L’éclair qui fait aimer et qui nous illumine
Le brûlait sans faiblir un siècle comme un jour,
Et la foi conûante et la candeur divine
Veillaient au sanctuaire où rayonnait l’amour.

Mais nous, nous, consumés d’une impossible envie,
En proie au mal de croire et d’aimer sans retour,
Répondez, jours nouveaux, nous rendrez-vous la vie ?
Dites, ô jours anciens, nous rendrez-vous l’amour ?


Dieu a disparu : et du même coup la vie cesse d’être idéalisée par les rêves sublimes et ce sentitiment mystique que ne pouvaient satisfaire les objets finis et dont le trop-plein débordait en hymnes au ciel. Les horizons de l’infini se ferment, les clartés