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Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/192

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tion, doit être accordée à un être d’imagination. Les hommes tombent toujours en un misérable état, où tout ce qui n’est pas chiffres, c’est-à-dire tout ce qui ne sert pas à l’animal tyrannique, est rejeté hors de vue. Nos orateurs et nos écrivains ont la même indigence, et dans cette Foire aux vieux habits, on ne fait appel ni à l’imagination, la grande puissance évocatrice, ni à la Morale, créatrice du génie et des hommes. Mais quoique les orateurs et les poètes soient de ce parti affamé, la faculté demeure. Il nous faut des symboles. L’enfant demande une histoire, et est reconnaissant de la plus pauvre. Elle n’est pas pauvre pour lui, mais d’une signification rayonnante. L’homme demande un roman — c’est-à-dire demande à être poète pendant quelque temps, et à peindre les choses comme elles devraient être. Le jeune homme demande un poème. Les sots eux-mêmes désirent aller au théâtre. Quels cieux intérieurs ne pouvons-nous pas ouvrir, en nous abandonnant à toutes les suggestions d’une puissante musique ! Il nous faut des idoles, une mythologie — quelque impulsion et quelque marge pour le pouvoir créateur gisant replié et entravé, et conduisant les natures ardentes à la folie et au crime s’il ne trouve pas d’issue. Sans les arts sublimes qui parlent au sens du beau, l’homme me semble une pauvre créature, nue et frissonnante. Ce sont là les draperies qui lui siéent, qui le réchauffent et le parent. Tandis que la mentalité prudente et économe du monde affame l’imagination, la Nature injuriée se procure le genre de compensations qu’elle peut avoir. Le roman est cette compensation et ce divertissement que l’imagination trouve. Toute autre chose la maintient terre à