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Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/237

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paraître l’effroi du cœur, le savoir et l’habitude, qui est le savoir mis en pratique. Ceux-là l’emportent, qui croient pouvoir l’emporter. C’est celui qui a fait l’acte une fois qui n’hésite pas à l’essayer de nouveau. C’est le groom qui connaît bien le cheval ombrageux qui peut le monter en sécurité. C’est le vétéran qui, en voyant la flamme du canon, peut s’écarter de la ligne du boulet. L’habitude fait un meilleur soldat que les considérations de devoir les plus pressantes — le fait d’être familiarisé avec le péril, le rendant capable de le juger. Il voit l’étendue du risque, et n’est pas victime de l’imagination ; il connaît en pratique le principe du maréchal de Saxe — à savoir que chaque soldat tué coûte à l’ennemi son poids de plomb.

Le marin perd ses craintes aussitôt qu’il acquiert l’expérience des voiles, des espars et de la vapeur ; il en est de même pour l’homme qui vit à la limite du désert, quand il a un excellent fusil et acquis la sûreté du tir. Chaque circonstance nouvelle suggère à l’expérience du marin ce qu’il doit faire. Les périodes de hasards terrifiants, qui rendent les heures et les minutes longues pour les passagers, il les passe tranquillement en une application incessante d’expédients et de réparations. Pour lui, une voie d’eau, une tempête, une trombe, représentent tel ou tel travail — rien de plus. Les chasseurs ne s’effraient pas des sangliers, des lynx ou des loups, ni l’éleveur de bétail, de son taureau, l’éleveur de chiens de son limier, l’Arabe du simoun, ou le fermier d’un incendie dans les bois. Une forêt en feu est chose assez décourageante pour un citadin : le fermier a l’expérience voulue pour lutter contre elle. Les voisins accou-