Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/31

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ou l’enthousiasme, comme chez quelque secte religieuse qui impute ses vertus à ses dogmes ; ou la cabale, ou l’esprit de corps[1], chez une association de francs-maçons ou d’amis.

L’évolution d’une société destinée à des fins supérieures doit être morale ; elle doit suivre le sillon des roues célestes. Elle doit avoir des buts universels. Qu’est-ce qui est moral ? C’est de respecter en agissant les fins catholiques ou universelles. Écoutez la définition que Kant donne de la conduite morale : « Agis toujours de telle sorte que le motif immédiat de ton vouloir puisse devenir une règle universelle pour tous les êtres intelligents. »

La civilisation dépend de la moralité. Tout ce qui est bon dans l’homme s’appuie sur quelque chose de supérieur. Cette loi s’applique aux petits faits comme aux grands. Ainsi, toute notre force et tous nos succès dans le travail manuel dépendent de l’aide que nous empruntons aux éléments. Vous avez vu un charpentier sur une échelle, coupant des éclats de poutre avec une hache. Comme il est gauche ! Quelle mauvaise situation pour travailler ! Mais voyez-le à terre, disposant son bois au-dessous de lui. Maintenant, ce ne sont plus ses faibles muscles, mais les forces de la planète qui font retomber la hache ; c’est-à-dire que la planète elle-même se charge de fendre son bois. Le fermier a à supporter beaucoup de mauvaise volonté, de paresse et de négligence de la part de ses scieurs de long ; un jour, il s’avise d’installer sa scierie au bord d’une chute d’eau, et la rivière ne se fatigue jamais de tourner sa roue ; la rivière est toujours de

  1. En français, dans le texte.