Aller au contenu

Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’ÉLOQUENCE

C’est une théorie des maîtres de musique en vogue que quiconque peut parler peut chanter. De même, tout homme est probablement éloquent une fois dans sa vie. La capacité de chaleur de nos tempéraments diffère ; en d’autres termes, nous entrons en ébullition à différents degrés. Tel individu est amené au point d’ébullition par la chaleur de la conversation du salon. Naturellement, les eaux ne sont pas très profondes. Il a un enthousiasme haut de deux pouces, une ébullition de bouillote. Un autre exige la chaleur additionnelle de la foule et d’un débat public ; un troisième a besoin d’un adversaire, ou d’une brûlante indignation ; à un quatrième, il faut une révélation, et à un cinquième, rien de moins que la grandeur des idées absolues, les splendeurs et les ombres du Ciel et de l’Enfer.

Mais parce que, si longtemps qu’il ait pu rester muet, tout homme est orateur, une assemblée d’hommes est d’autant plus susceptible de l’être. L’éloquence d’un seul stimule le reste, quelques-uns au point de parler eux-mêmes, et tous les autres à un degré qui en font de bons récepteurs et de bons conducteurs ;