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Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/64

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l’adoucir et l’apaiser, l’amener à son gré au rire et aux larmes. Mettez-le devant ses auditeurs et, quels qu’ils puissent être, vulgaires ou délicats, contents ou mécontents, sombres ou sauvages, que leurs opinions soient sous la surveillance d’un confesseur ou du côté de leurs épargnes — il saura à son gré les charmer et les satisfaire, et ils accepteront et exécuteront ce qu’il leur aura enjoint.

C’est là le pouvoir magique que les poètes ont chanté dans « la Cornemuse multicolore d’Hamelin », dont la musique attirait comme la force de gravitation — attirait les soldats et les prêtres, les négociants et les convives des festins, les femmes et les enfants, les rats et les souris — ou dans celle du ménestrel de Meudon qui trouvait moyen de faire danser autour du cercueil les porteurs de cordons du poêle. C’est un pouvoir qui peut avoir bien des degrés, qui exige de l’orateur beaucoup de capacité et d’expérience, qui exige un homme de tempérament riche et large, comme la Nature en forme rarement ; aussi, d’après notre expérience, sommes-nous forcés de recomposer le type par fragments, prenant ici un talent, là un autre.

L’auditoire est le critérium constant de l’orateur. En toute assemblée publique, il y a plusieurs auditoires dont chacun domine à son tour. Si l’on dit quelque chose de comique ou de grossier, vous voyez les jeunes garçons et les tapageurs surgir si bruyants et si excités, que vous pourriez croire que la salle en est remplie. Si on soulève de nouvelles idées plus hautes et plus sérieuses, les turbulents reculent, et l’attention devient plus contenue et plus raisonnable. Vous croiriez que les jeunes garçons dorment, et