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DOUCES AMIES

« Je me suis ruiné, non par folie sensuelle, ni par emballement de passion, mais consciemment, volontairement, pour créer à mon amie du bonheur, du succès, de la gloire…

« Je ne renie pas les joies voluptueuses que j’ai connues par elle ; mais, comme elles étaient superficielles et de peu de prix comparées aux nobles allégresses de l’esprit et du cœur, que je ressentais à me sacrifier, de toutes les façons, pour réaliser ses désirs, ses caprices, ses rêves !…

« Dans ce siècle où l’on ne sait plus aimer, je me vante d’avoir été l’un de ces derniers amoureux qui ont eu le culte de la femme.

« Mon amour a toujours été un agenouillement perpétuel, une prosternation pieuse…

« Vous riez !… Et si vous connaissiez mes aventures, mes petits romans, vous me jugeriez ridicule et stupide. Pour employer un mot de notre argot moderne, vous diriez que je fus « une poire ». C’est-à-dire un niais, un naïf, un jocrisse qui se laisse berner, duper, entortiller et « entôler ! »

« Non, monsieur, je ne suis pas une poire.

« … J’ai adoré mes maîtresses avec ferveur, avec dévotion, avec aveuglement, oui, certes, j’en conviens.

« Mais les anciens, qui s’y connaissaient, nous ont appris que l’amour est aveugle.