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DOUCES AMIES

de vos lèvres, d’alanguir ma tête parmi les ondes caressantes de votre gorge ; et je songe parfois, avec un frémissant espoir, à la volupté de vous jeter enfin sur la couche où vous consentirez le don suprême de votre chair troublée ; mais je renoncerai à ces joies, à toutes, croyez-moi bien, idolâtrée, pour l’unique mais plus rare bonheur d’être l’ami très doux, qui berce l’insomnie, écarte des yeux chers les ombres maudites, ne permet pas que se reflète en leur azur le nuage ténébreux des chagrins tenaces. Oui, petite Suze, pénétrer en votre âme plutôt qu’en votre chair, lui redonner la force que vous avez perdue, y semer l’allégresse, voilà, voilà mon plus sincère et plus ardent vouloir. À votre âge, les fêlures du cœur ou de l’esprit ne sont pas irrémédiables… Ne soyons pas Sully Prudhomme… n’abandonnons pas les vies brisées à l’isolement maudit ; tentons plutôt, avec ferveur, le prodige de la rédemption.

Mes lèvres buvaient toujours la larme apparue, et bientôt, votre voix apaisée murmura ces mots :

— Oui, oui, câlinez-moi ; j’aime vos caresses ; elles me rassurent et me réconfortent. Sous votre bouche il me semble, en effet, que tout se fond, s’exhale ; et je crois, mon chéri, que vous triompherez, que vous extirperez, tout à fait, le mal qui m’enveloppe… Oh ! vos baisers sur mes