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DOUCES AMIES

Et d’elle, cependant, je ne savais rien, rien ; pas même son nom…

Elle m’avait dit :

— Je m’appelle Suze.

Mais en la dépouillant de la fine chemise, parfumée de son corps, j’avais aperçu parmi les dentelles, les initiales J. B.

Je m’en étais réjoui.

Elle n’est Suze que pour moi !…

Oui, seul, je connais cette image d’amour, la transfiguration qui pour moi seul s’opère… À nos heures d’enchantement, elle est Suze, ma douce Suze. Au sortir de mes bras, elle devient pour le reste du monde une créature diverse ; elle est Jeanne ou Julie…

Assurément, elle était mariée… J’avais compris, maintes fois, qu’elle s’évadait non sans peine de ses devoirs mondains. Bien des jours, je m’étais désespéré à l’attendre, elle n’était pas venue ; le lendemain, par un mot elle me demandait pardon, me disait son chagrin de n’avoir pu venir à notre rendez-vous. Puis, elle cachait son visage, sous d’épaisses voilettes ; et brusquement, tout effarée, elle s’éloignait de moi, lorsque par hasard des passants nous examinaient, aux brefs instants où nous bravions dans la rue, les regards indiscrets.

Un soir à l’Opéra, je l’aperçus dans une loge.