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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/238

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VIERGES EN FLEUR

cille, et se jette sur nous. Elle nous englue, se colle à notre peau !

— Je viens précisément de dompter un de ces sortilèges.

— Mais un autre demain te vaincra, va, crois-moi. Mon aventure à moi est banale. J’avais passé la quarantaine ; j’étais désemparé. Après nos nuits de noces, de liesses dans les bras des jolies amoureuses, quand je me retrouvais seul chez moi, une tristesse immense m’envahissait. Être seul, toujours seul ! Les lendemains de fête, ça rend mélancolique. Et des désirs vous viennent d’une femme très douce marchant autour de vous, et rompant votre spleen par des babils très tendres. Déjà les rhumatismes, les gouttes, les gastralgies s’appesantissent, nous rendent moroses, inquiets et souffrants. On se dit qu’une amie, mieux que des domestiques, sucrera nos tisanes et prendra soin de nous.

— Que le diable m’accorde de crever assez tôt pour ne pas me résoudre à cette extrémité ! Mais c’est abominable l’existence commune, avec une femme qui n’a plus rien de la femme, qui devient une garde-malade, une sœur de charité, et que vous écœurez de vos tares physiques.

— Tu parles, mon ami, comme un homme très jeune, et qui voit l’avenir dans un lointain qu’il ne croit pas atteindre. Mais les ans viennent vite,