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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/304

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VIERGES EN FLEUR

— Bien, mon enfant… c’est entendu… nous camperons ici.

Philbert alors parla :

— Se réfugier ainsi dans cette île où ne virent que des familles de pêcheurs, fuir durant de longs mois la comédie humaine, rêver et contempler l’Océan et le ciel, mais c’est l’enchantement, c’est la douce féerie des îles fortunées !… Ce coin de Bretagne est un pays béni, une côte d’azur au Nord. Durant l’hiver, les violettes et les roses fleurissent, et les myrtes y font des buissons, les hortensias bleus s’érigent en arbustes, les géraniums grimpent, revêtent les vieux murs.

— Vous nous parlez, monsieur, avec les belles illusions d’un poète, murmura Marie-Reine ; mais vous exagérez, j’en suis bien convaincue, le charme de cette terre.

— Peut-être je la vois, en effet, dans un rêve. Mais n’est-ce pas ainsi qu’il faut considérer les êtres et les choses, si l’on veut ne pas mourir de désolation ?…

À ces mots, que Philbert jetait d’une voix dolente, la jeune fille crut pressentir une secrète douleur ; et son cœur tressaillit, ému par la souffrance qui, si près de la sienne, maintenant, palpitait.