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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/55

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VIERGES EN FLEUR

Philbert fut introduit dans un vaste salon, décoré de meubles en bois d’if, ajourés, imagés, ciselés, chefs-d’œuvre de ce vieil art breton si naïf, si précieux, qui créa des merveilles.

— Nous vous abandonnons un instant, déclara Michelle ; nous allons revêtir nos plus belles toilettes pour honorer notre hôte que nous avons reçu à l’improviste, en robes de jardin.

— Alors, la grande fête ! dit en riant Philbert ; corsages largement décolletés, les gorges et les épaules offertes à mon culte ; enfin tous les trésors de ce château de fées !…

Seul, il s’extasia. La richesse des vieux bahuts, des cathèdres sculptées, des vieux coffres ornés de reliefs et de masques, le ravissait. Et des tableaux d’antan surtout enchantèrent ses yeux : c’étaient des scènes champêtres, de coquettes bergeries. Philbert crut reconnaître l’inimitable grâce de Watteau dans ces peintures délicieusement exquises, et les examinant avec la minutie savante d’un expert, il eut bientôt la certitude que c’étaient, en effet, des œuvres du Maître, des œuvres perdues en ce château, dignes d’un musée, et dont la vente produirait une grosse fortune. Ainsi le vœu des demoiselles de Kerbiquet, confessé par Jeanne, de s’évader de la tristesse de l’antique demeure, pour aller vers les villes de joie, pourrait se réaliser ; sitôt qu’on