Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/433

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Sans doute le plus long était le travail intellectuel qu’ils me demandaient ; mais, ajouterai-je, cette minutie qui, en fin de compte, n’en était pas une ? le travail matériel était long aussi, obligé que j’étais d’ajuster sur le placard notes et bouts de papier, de manière que l’imprimerie pût se reconnaître dans le dédale. Combien de fois, quand j’étais au plus fort de mes embarras, n’ai-je pas dit, moitié plaisantant, moitié sérieux « O mes amis, ne faites jamais de dictionnaire ! » Mais dépit vain et passager ! C’est le cas d’appliquer le dicton picard rapporté par La Fontaine dans sa fable du Loup, la Mère et l’Enfant :

Biaux chires leups, n’écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie.

Un tel placard si surchargé en exigeait un nouveau. Je le demandais donc, vérifiais les corrections, et l’adressais ainsi vérifié à M. Beaujean, qui donnait la mise en pages. C’était un grand pas ; il avait coûté beaucoup de labeur, et un labeur tantôt très minutieux, tantôt très relevé.

L’imprimerie ne se faisait pas attendre, et une première épreuve de mise en page arrivait à M. Beaujean, qui là, lisait, y inscrivait ses observations et me l’envoyait. Autant en faisaient mes autres collaborateurs, qui recevaient aussi cette mise en pages. Ceux qui ont beaucoup imprimé (et je suis du nombre ; honni soit qui mal y pense ; un jour M, Wittersheim, imprimeur et directeur du Journal officiel, que je remerciais de je ne sais quoi, remarqua, qu’un imprimeur devait être gracieux à qui avait tant occupé la presse), ceux, dis-je, qui impriment beaucoup ont éprouvé que bien des choses qui échappent en placard apparaissent visibles dans