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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/128

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son livre, aux belles rêveries de M. Michelet, qui est un poète poétisant. M. Michelet tombe à genoux, s’incline et adore ; la femme est un dieu, une idole douce et poignante, maladive et céleste ; il faut l’aimer et l’aimer encore, se perdre dans sa contemplation, vivre de son haleine et de ses tendresses. M. Eugène Pelletan, au contraire, n’a pas le moindre baiser ; il traite la femme en camarade, il la relève pour qu’elle marche en homme à notre côté ; il l’aime et veut en être aimé ; mais il désire surtout que femme et homme aiment la liberté, la vérité et le droit. Là, des prières passionnées, des extases, un monde de lumières et de parfums, un ciel en plein idéal et en pleine félicité ; ici, des conseils rudes et salutaires, un amour franc et libre, un monde juste et vrai. Je lirai M. Michelet, je me bercerai dans sa large et suave poésie, lorsque, l’âme saignante, j’aurai besoin d’un beau mensonge pour me consoler du réel ; mais je lirai M. Eugène Pelletan, lorsque, l’esprit sain et ferme, je voudrai le possible et que je me sentirai la force de la réalité.