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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/157

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laissées sur la servitude ou l’amitié dont il a été jugé digne de la part de Montaigne ? Certes, il vit encore davantage par le chapitre où l’auteur des Essais parle de lui, que par le chapitre qu’il a écrit lui-même contre la tyrannie. La Boétie n’est pas, selon moi, un moraliste ; il est, si l’on veut, un pamphlétaire et un poète. Mais personne n’osera reprocher à M. Prévost-Paradol de lui avoir donné asile dans son livre, au côté de Montaigne. On prend plaisir à retrouver partout ensemble deux hommes qui se sont aimés jusque dans leur intelligence. D’ailleurs, nous gagnons à ceci une étude remarquable, une critique plutôt, sur le traité De la Servitude volontaire. M. Prévost-Paradol étend l’horizon de la Boétie, et arrive à cette définition qui est excellente : « Être tenu éloigné de la liberté dont on est capable ou privé de celle dont on a joui, voilà les signes constants de la servitude. »

Je regrette de ne pouvoir expliquer plus au long les idées de l’auteur, qui est ici sur son véritable terrain. Certainement, la Boétie n’envisageait pas le sujet sous le même aspect. Son œuvre est le cri indigné d’un honnête homme à la vue de la lâcheté des courtisans et de la vanité cruelle du despote ; un matin, la lumière s’est faite, et le voilà plongé dans le plus profond étonnement, parce qu’il a songé à cet effrayant prodige de plusieurs millions d’hommes se courbant sous le caprice d’un seul homme. Le traité De la Servitude volontaire est simplement une révolte du bon sens et de la dignité humaine.

Le médaillon suivant est celui de Pascal. Ici la face