Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

question au point de vue purement général ; il y a eu deux brochures publiées, et ce sont ces deux brochures que je vais examiner.

Même, je ne veux m’attacher qu’à une partie de ces brochures, la partie, pour ainsi dire, de dogme et de discussion littéraires. On trouve en elles une question personnelle aux auteurs et une question d’art intéressant tout le public intelligent. Je ne m’occuperai que de cette dernière. Je comprends parfaitement que M. de Girardin ait pensé devoir expliquer aux lecteurs quelles étaient les raisons qui lui avaient fait refuser la paternité d’une œuvre que tout le monde savait lui appartenir. Je comprends de même que M. Dumas fils, attaqué et mécontent des explications fournies par son collaborateur, ait répondu à ses explications par d’autres explications. Je ne vois simplement en ceci que deux hommes amenés par les circonstances à vider publiquement un différend qu’ils auraient, à coup sûr, préféré terminer dans la solitude du cabinet. Ils défendent leur dignité ; ils tirent à eux l’opinion publique ; en un mot, ils plaident leur cause et semblent dire tour à tour à la foule : « Puisque notre querelle n’est plus un secret et que de méchants bruits courent sur notre compte, voici notre querelle, nous nous accusons tout haut, nous nous fâchons en pleine place publique, écoutez-nous et jugez-nous. »

Tout au fond de moi, je juge peut-être MM. de Girardin et Dumas fils ; je pourrais dire quel est celui des deux qui s’est montré le plus digne et le plus délicat, bien que l’affaire soit terriblement embrouillée et qu’il