Aller au contenu

Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur qui lui appartient. Cette famille habite la France entière, Paris et la province ; elle vit la vie de notre siècle, souffre et jouit comme nous, est, en un mot, l’image de notre propre société. L’œuvre a la sécheresse d’une analyse exacte ; elle ne prêche ni n’encourage ; elle est uniquement le compte rendu brutal de ce que l’écrivain a observé. Balzac regarde et raconte ; le choix de l’objet sur lequel tombent ses regards lui importe peu, il n’a que le souci de tout regarder et de tout dire.

D’autre part, nous avons un groupe choisi d’âmes tendres. Tous les vivants de ce monde tiennent dans le creux de la main : un garçon naïf et amoureux, une fillette fraîche et souriante, un bon vieux moraliste et paterne, une bonne vieille grondeuse et dévouée, puis quelque beau sentiment personnifié dans une figure héroïque. Ce petit peuple vit dans un petit coin de la France, dans le fond de l’Alsace, ayant des mœurs d’une autre époque et vivant une vie qui n’est pas la nôtre. Il est en plein âge d’or. Les vieux travaillent, boivent et fument ; les jeunes sont soldats, musiciens ou fainéants ; les filles, servantes d’auberges, fermières ou bourgeoises, sont des modèles d’ordre et de propreté, aimant dans toutes les conditions et ne trompant jamais. Aucun de ces êtres n’est secoué par nos passions ; ils habitent à des millions de lieues de Paris, et vous ne trouverez en eux rien de moderne.

Peut-être certains de ces bonshommes sont-ils d’excellentes études de paysans et d’ouvriers alsaciens ; sans doute des modèles ont posé ; mais de pareils por-