Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/270

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Et pourtant je n’ai dit que mon opinion, tout naïvement. Je crois avoir été bien moins révolutionnaire qu’un critique d’art de ma connaissance qui affirmait dernièrement à ses trois cent mille lecteurs que M. Baudry était le premier peintre de l’époque. Jamais je n’ai formulé une pareille monstruosité. Un instant, j’ai craint pour ce critique d’art, j’ai tremblé qu’on n’allât l’assassiner dans son lit pour le punir d’un tel excès de zèle. On m’apprend qu’il se porte à ravir. Il paraît qu’il y a des services qu’on peut rendre et des vérités qu’on ne peut dire.

Donc, la campagne est finie, et, pour le public, je suis vaincu. On applaudit et on fait des gorges chaudes.

Je n’ai pas voulu enlever son jouet à la foule, et je publie « Mon Salon ». Dans quinze jours, le bruit sera apaisé, il ne restera aux plus ardents qu’une idée vague de mes articles. C’est alors que, dans les esprits, je grandirai encore en ridicule et en mauvaise foi. Les pièces ne seront plus sous les yeux des rieurs, le vent aura emporté les feuilles volantes de l’Événement, et on me fera dire ce que je n’ai pas dit, on racontera de grosses sottises que je n’ai jamais formulées. Je ne veux pas que cela soit, et c’est pourquoi je réunis les articles que j’ai donnés à l’Événement sous le pseudonyme de Claude. Je souhaite que « Mon Salon » demeure ce qu’il est, ce que le public lui-même a voulu qu’il fût.

Ce sont là les pages maculées et déchirées d’une