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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/371

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très riche ; le mouvement de la jeune femme a un charme indicible. Cela serait même trop joli, si le tempérament du peintre ne venait mettre sur cet ensemble l’empreinte de son austérité.

J’allais oublier quatre très remarquables marines, — le Steam-Boat ; le Combat du Kerseage et de l’Albama ; Vue de mer, temps calme ; Bateau de pêche arrivant vent arrière, — dont les vagues magnifiques témoignent que l’artiste a couru et aimé l’Océan, et sept tableaux de nature morte et de fleurs qui commencent heureusement à être des chefs-d’œuvre pour tout le monde. Les ennemis les plus déclarés du talent d’Édouard Manet lui accordent qu’il peint bien les objets inanimés. C’est un premier pas. J’ai surtout admiré, parmi ces tableaux de nature morte, un splendide bouquet de pivoines, — un Vase de fleurs, — et une toile intitulée un Déjeuner, qui resteront dans ma mémoire à côté de l’Olympia. D’ailleurs, d’après le mécanisme de son talent dont j’ai essayé d’expliquer les rouages, le peintre doit forcément rendre avec une grande puissance un groupe d’objets inanimés.

Tel est l’œuvre d’Édouard Manet, tel est l’ensemble que le public sera, je l’espère, appelé à voir dans une des salles de l’Exposition universelle. Je ne puis penser que la foule restera aveugle et ironique devant ce tout harmonieux et complet dont je viens d’étudier brièvement les parties. Il y aura là une manifestation trop originale, trop humaine, pour que la vérité ne soit pas enfin vic-