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LES ROUGON-MACQUART.

derait. En somme, c’était Robineau qui avait tous les torts, car il aurait dû la détourner, lui, un ancien commis au courant des habitudes de la maison.

— Eh bien ! voilà le patron qui rit maintenant ! reprit Favier étonné, comme le groupe passait de nouveau devant la porte.

— Ah ! sacristi ! jura Hutin, s’ils s’obstinent à nous coller leur Robineau sur les épaules, nous allons leur donner de l’agrément !

Bourdoncle regardait Mouret en face. Puis, il eut simplement un geste dédaigneux, pour dire qu’il comprenait enfin et que c’était imbécile. Bouthemont avait repris ses plaintes : les vendeurs menaçaient de partir, et il s’en trouvait d’excellents parmi eux. Mais ce qui parut toucher ces messieurs davantage, ce fut le bruit des bons rapports de Robineau avec Gaujean : celui-ci, disait-on, poussait le premier à s’établir à son compte dans le quartier, lui offrait les crédits les plus larges, afin de battre en brèche le Bonheur des Dames. Il y eut un silence. Ah ! ce Robineau rêvait de bataille ! Mouret était devenu sérieux ; il affecta le mépris, il évita de prendre une décision, comme si l’affaire n’avait pas eu d’importance. On verrait, on lui parlerait. Et, tout de suite, il plaisanta avec Bouthemont, dont le père, débarqué l’avant-veille de sa petite boutique de Montpellier, avait failli étouffer de stupeur et d’indignation, en tombant dans le hall énorme où régnait son fils. On riait encore du bonhomme, qui, retrouvant son aplomb de méridional, s’était mis à tout dénigrer et à prétendre que les nouveautés allaient finir sur le trottoir.

— Justement, voici Robineau, murmura le chef de rayon. Je l’avais envoyé au rassortiment, pour éviter un conflit regrettable… Pardonnez-moi si j’insiste, mais les choses en sont à un état si aigu, qu’il faut agir.