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AU BONHEUR DES DAMES.

vous était promise depuis longtemps, lorsque Bouthemont, qui arrivait du dehors et qui n’avait aucun titre, l’a obtenue du coup.

La plaie de cette injustice saignait encore chez Robineau. Pourtant, il hésitait à s’établir, il expliquait que l’argent ne venait pas de lui ; c’était sa femme qui avait hérité de soixante mille francs, et il se montrait plein de scrupules devant cette somme, il aurait mieux aimé, disait-il, se couper tout de suite les deux poings, que de la compromettre dans de mauvaises affaires.

— Non, je ne suis pas décidé, finit-il par conclure. Laissez-moi le temps de réfléchir, nous en recauserons.

— Comme vous voudrez, dit Vinçard en cachant son désappointement sous un air bonhomme. Mon intérêt n’est pas de vendre. Allez, sans mes douleurs…

Et, revenant au milieu du magasin :

— Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur Baudu ?

Le drapier, qui écoutait d’une oreille, présenta Denise, conta ce qu’il voulut de son histoire, dit qu’elle avait travaillé deux ans en province.

— Et, comme vous cherchez une bonne vendeuse, m’a-t-on appris…

Vinçard affecta un grand désespoir.

— Oh ! c’est jouer de guignon ! Sans doute, j’ai cherché une vendeuse pendant huit jours. Mais je viens d’en arrêter une, il n’y a pas deux heures.

Un silence régna. Denise semblait consternée. Alors, Robineau qui la regardait avec intérêt, apitoyé sans doute par sa mine pauvre, se permit un renseignement.

— Je sais qu’on a besoin chez nous de quelqu’un, au rayon des confections.

Baudu ne put retenir ce cri de son cœur :

— Chez vous, ah ! non, par exemple !

Puis, il resta embarrassé. Denise était devenue toute