Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
432
LES ROUGON-MACQUART.

encore des saletés sur son compte, c’était lui qui fermerait le bec des jaloux ! Mais Pauline le renvoya, en haussant amicalement les épaules.

— Mon pauvre chéri, tu ne dis que des bêtises… Tiens ! laisse-nous causer.

L’infirmerie était une longue pièce claire, où douze lits s’alignaient, avec leurs rideaux blancs. On y soignait les commis logés dans la maison, lorsqu’ils ne témoignaient pas le désir de rejoindre leurs familles. Mais, ce jour-là, Pauline seule s’y trouvait couchée, près d’une des grandes fenêtres, qui ouvraient sur la rue Neuve-Saint-Augustin. Et les confidences, les paroles tendres et chuchotées vinrent tout de suite, au milieu de ces linges candides, dans cet air assoupi, parfumé d’une vague odeur de lavande.

— Il fait donc quand même ce que vous voulez ?… Comme vous êtes dure, de lui causer tant de peine ! Voyons, expliquez-moi ça, puisque j’ose aborder ce sujet. Vous le détestez ?

Elle avait gardé la main de Denise, assise près du lit, accoudée au traversin ; et cette dernière, gagnée par une soudaine émotion, les joues envahies de rougeur, eut une faiblesse, à cette question directe et inattendue. Son secret lui échappa, elle cacha la tête dans l’oreiller, en murmurant :

— Je l’aime !

Pauline restait stupéfaite.

— Comment ! vous l’aimez ? Mais, c’est bien simple : dites oui.

Denise, le visage toujours caché, répondait non, d’un branle énergique de la tête. Et elle disait non, justement parce qu’elle l’aimait, sans expliquer cela. Certainement, c’était ridicule ; mais elle sentait ainsi, elle ne pouvait se refaire. La surprise de son amie augmentait, elle demanda enfin :