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LES ROUGON-MACQUART.

mondains du directeur avec la voleuse, il montra lui aussi une politesse parfaite.

— Madame, nous excusons ces moments de faiblesse… Je vous en prie, considérez où un pareil oubli de vous-même pourrait vous conduire. Si quelque autre personne vous avait vue glisser ces dentelles…

Mais elle l’interrompit avec indignation. Elle, une voleuse ! pour qui la prenait-il ? Elle était la comtesse de Boves, son mari, inspecteur général des haras, allait à la Cour.

— Je sais, je sais, madame, répétait paisiblement Bourdoncle. J’ai l’honneur de vous connaître… Veuillez d’abord rendre les dentelles que vous avez sur vous…

Elle se récria de nouveau, elle ne lui laissait plus dire une parole, belle de violence, osant jusqu’aux larmes de la grande dame outragée. Tout autre que lui, ébranlé, aurait craint quelque méprise déplorable, car elle le menaçait de s’adresser aux tribunaux, pour venger une telle injure.

— Prenez garde, monsieur ! mon mari ira jusqu’au ministre.

— Allons, vous n’êtes pas plus raisonnable que les autres, déclara Bourdoncle, impatienté. On va vous fouiller, puisqu’il le faut.

Elle ne broncha pas encore, elle dit avec son assurance superbe :

— C’est ça, fouillez-moi… Mais, je vous en avertis, vous risquez votre maison.

Jouve alla chercher deux vendeuses des corsets. Quand il revint, il avertit Bourdoncle que la demoiselle de cette dame, laissée libre, n’avait pas quitté la porte, et il demandait s’il fallait l’empoigner, elle aussi, bien qu’il ne l’eût rien vue prendre. L’intéressé, toujours correct, décida, au nom de la morale, qu’on ne la ferait pas entrer, pour ne point forcer une mère à rougir devant sa fille.