Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
LES ROUGON-MACQUART.

— Quel âge avez-vous donc ?

— Vingt ans, madame.

— Comment vingt ans ! mais vous n’en paraissez pas seize !

De nouveau, les vendeuses levaient la tête. Denise se hâta d’ajouter :

— Oh ! je suis très forte !

Madame Aurélie haussa ses larges épaules. Puis, elle déclara :

— Mon Dieu ! je veux bien vous inscrire. Nous inscrivons ce qui se présente… Mademoiselle Prunaire, donnez-moi le registre.

On ne le trouva pas tout de suite, il devait être entre les mains de l’inspecteur Jouve. Comme la grande Clara allait le chercher, Mouret arriva, toujours suivi de Bourdoncle. Ils achevaient le tour des comptoirs de l’entresol, ils avaient traversé les dentelles, les châles, les fourrures, l’ameublement, la lingerie, et ils finissaient par les confections. Madame Aurélie s’écarta, causa un moment avec eux d’une commande de paletots qu’elle comptait faire chez un des gros entrepreneurs de Paris ; d’ordinaire, elle achetait directement et sous sa responsabilité ; mais, pour les achats importants, elle préférait consulter la direction. Ensuite, Bourdoncle lui conta la nouvelle négligence de son fils Albert, qui parut la désespérer : cet enfant la tuerait ; au moins, le père, s’il n’était pas fort, avait pour lui de la conduite. Toute cette dynastie des Lhomme, dont elle était le chef incontesté, lui donnait parfois bien du mal.

Cependant, Mouret, surpris de retrouver Denise, se pencha pour demander à madame Aurélie ce que cette jeune fille faisait là ; et, quand la première eut répondu qu’elle se présentait comme vendeuse, Bourdoncle, avec son dédain de la femme, fut suffoqué de cette prétention.