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AU BONHEUR DES DAMES.

— Vous savez, expliqua-t-elle, on fait cet hiver aux jeunes filles des robes garnies d’une petite dentelle… Naturellement, quand j’ai vu une valenciennes très jolie…

Elle se décida enfin à ouvrir le sac. Ces dames allongeaient le cou, lorsque, dans le silence, on entendit le timbre de l’antichambre.

— C’est mon mari, balbutia madame Marty pleine de trouble. Il doit venir me chercher, en sortant de Bonaparte.

Vivement, elle avait refermé le sac, et elle le fit disparaître sous son fauteuil, d’un mouvement instinctif. Toutes ces dames se mirent à rire. Alors, elle rougit de sa précipitation, elle le reprit sur ses genoux, en disant que les hommes ne comprenaient jamais et qu’ils n’avaient pas besoin de savoir.

— Monsieur de Boves, Monsieur de Vallagnosc, annonça le domestique.

Ce fut un étonnement. Madame de Boves elle-même ne comptait pas sur son mari. Ce dernier, bel homme, portant les moustaches à l’impériale, de l’air militairement correct aimé des Tuileries, baisa la main de madame Desforges, qu’il avait connue jeune, chez son père. Et il s’effaça pour que l’autre visiteur, un grand garçon pâle, d’une pauvreté de sang distinguée, pût à son tour saluer la maîtresse de la maison. Mais, à peine la conversation reprenait-elle, que deux légers cris s’élevèrent :

— Comment ! c’est toi, Paul !

— Tiens ! Octave !

Mouret et Vallagnosc se serraient les mains. À son tour, madame Desforges témoignait sa surprise. Ils se connaissaient donc ? Certes, ils avaient grandi côte à côte, au collège de Plassans ; et le hasard était qu’ils ne se fussent pas encore rencontrés chez elle.

Cependant, les mains toujours liées, ils passèrent en plaisantant dans le petit salon, au moment où le domes-